Parcourir les rues de Lens un jour de match des Sang et Or au stade Bollaert-Delelis est une immersion inoubliable dans l’effervescence qui agite la ville. Il aura fallu plusieurs décennies pour forger l’identité du club.

Au début de son histoire, en Grande-Bretagne et en France, le football est plutôt réservé à l’élite des zones urbaines. Ce n’est que dans les années 1930 que ce sport prend son essor dans notre pays, devenant notamment un élément rassembleur de la classe ouvrière, constitutif de son identité. Le Racing Club de Lens est le parfait modèle de ces clubs qui ont contribué à faire du football le sport préféré des ouvriers, avant que celui-ci n’élargisse sa base pour devenir de plus en plus populaire.

Implanté dans une ville meurtrie par les ravages du premier conflit mondial, contrainte à une reconstruction laborieuse, le Racing Club de Lens est porteur de l’héritage historique et culturel, notamment minier, de tout un territoire.

2.1. Coup d’envoi du Racing Club lensois : la passion des « mordus » de Lens

À Lens, à la fin du xix^e siècle, les dimanches deviennent des journées précieuses : sur la Place verte, actuelle place de la République, de jeunes passionnés, des étudiants que l’on surnomme les « mordus », se rencontrent à l’occasion de matchs de football improvisés. Malgré les accidents de ballons brisant quelques vitres et provoquant la colère de certains habitants, leur passion persiste. Ils se réunissent ensuite au café Douterlungne pour boire une bière fraîche et refaire le match. L’engouement grandissant, l’idée de créer une association se profile alors dans leur esprit.

En septembre 1905, deux des joueurs de la Place verte, Carlos Douterlungne et Jules Joseph Van Den Weghe décident d’adjoindre une section football au Club cyclopédestre lensois qu’ils avaient fondé. Henri Douterlungne, père de Carlos et propriétaire de l’estaminet, leur apporte son soutien : le café Douterlungne devient le siège social du nouveau club de football. Le Racing Club lensois, tel qu’il s’appellera jusqu’en 1969, vient de naître. Le 18 octobre 1907, les nouveaux statuts du club sont officiellement enregistrés à la sous-préfecture de Béthune.

2.2. C’est l’histoire qui fait le maillot et non le maillot qui fait l’histoire

Les premières équipes du Racing Club lensois affichent un maillot à bandes horizontales noires et vertes, le vert en référence à la place de la ville et le noir au charbon des mines. Rapidement, une deuxième version du maillot est lancée : les deux couleurs sont réparties dans un damier. En 1912, le Racing Club lensois fait face à des difficultés financières et décide de simplifier l’esthétique du maillot pour amoindrir son coût de fabrication. Le club passe désormais à un maillot entièrement noir, avec pour unique signe le sigle RCL brodé en blanc.

2.3. Un territoire occupé, un club à l’abandon

Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. En octobre, Lens est occupée par l’armée impériale. La ville est totalement isolée du reste du pays pendant quatre ans. Tout au long du conflit, elle est la cible de nombreux bombardements. Dans ce contexte, aucune activité du Racing Club lensois ne peut être maintenue. Il demeure encore difficile de connaître le destin individuel des joueurs qui composaient l’équipe avant la guerre.

En 1914, Lens comptait 34 000 habitants. Début 1917, elle n’en compte plus que 10 000. En octobre 1918, alors que les Allemands abandonnent la ville, Lens est presque entièrement rasée : à peine une trentaine de maisons subsistent.

Dans un territoire occupé pendant quatre ans et ravagé par les combats, les installations nécessaires à la pratique sportive ne sont pas la priorité des programmes de reconstruction. Il faut attendre l’édition 1919-1920 pour voir un club du Pas-de-Calais, le Racing Club de Calais, participer à la Coupe de France.

2.4. La renaissance du Racing Club lensois

Après quatre années d’arrêt, la pratique du football à Lens est relancée grâce à l’aide américaine. M. Laroche, directeur du foyer du Comité de secours américain, installé à Lens, encourage le divertissement et les activités ludiques des jeunes Lensois. Il va d’abord fournir des ballons à des joueurs qui ont aménagé avec leurs faibles moyens un terrain de football au milieu des ruines d’une houillère. Sur les insistances de deux anciens joueurs du Racing club lensois, il finance ensuite à hauteur de 10 000 francs les travaux qui vont transformer une pâture, qui appartenait avant-guerre à un notaire du nom de Léon Taquet, en un terrain adapté à la pratique du ballon rond. En contrepartie, le Racing Club lensois est rebaptisé Union sportive du foyer franco-américain. L’équipe porte de nouvelles couleurs : un maillot bleu ciel portant le sigle USFFA, un short blanc et des chaussettes rouges.

Dès 1922, le club de Lens retrouve son indépendance, rejoignant ainsi la Ligue d’Artois et les compétitions nationales. En 1924, il adopte le rouge et le jaune, qui renvoient à la période espagnole de la ville. Quelques mois après l’inauguration du stade des Mines le 18 juin 1933, le club passe entièrement sous l’égide de la Compagnie des mines de Lens qui cherche à faire de celui-ci un pilier de sa politique sociale. En 1936, le stade prend le nom de Félix-Bollaert, président du conseil d’administration de la Compagnie des mines. Le club prend la voie du professionnalisme et marque ainsi le début d’une nouvelle ère pour le Racing. Il faut attendre 1937 pour que Lens accède à la première division du championnat de France de football.

Le Racing Club de Lens est aujourd’hui plus qu’un club sportif ; il symbolise la résilience et l’esprit de solidarité propre à la ville, qui s’est en particulier manifesté après les ravages de la Première Guerre mondiale. Il incarne une part essentielle de l’identité et de l’histoire locales.

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