Le défi de la conservation des films nitrate
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Archives films
Publié le 23 août 2024
Largement utilisé dans l’industrie cinématographique durant la première moitié du xxe siècle, le nitrate est un support particulièrement sensible qui nécessite de grandes précautions. L’ECPAD en conserve plusieurs milliers de bobines dans ses fonds.
Le Plan de sauvegarde et de numérisation accéléré cible les supports d’archive les plus problématiques. En effet, les films nitrate sont caractérisés par leur grande inflammabilité.
Surnommés « films flamme », les bobines en nitrate de cellulose peuvent s’auto-inflammer lorsqu’elles sont dégradées et exposées a une température dépassant les 35 degrés. C’est la raison pour laquelle l’industrie cinématographique, après avoir largement utilisé le nitrate, l’abandonne complètement dans les années 1950 au profit de supports moins dangereux, comme l’acétate de cellulose.
S’il n’est désormais plus utilisé, le nitrate persiste à travers les bobines du siècle passé qui sont conservées dans différents centres d’archives. Comment conserver un support voué à disparaître par nature ?
Des normes de conservation
qui évoluent
À partir de 2016, l’établissement poursuit ses efforts et entame de nouvelles démarches visant à obtenir l’autorisation environnementale pour son activité de stockage d’archives de photographies et de films. À cause de leur potentielle dangerosité, les films nitrate occupent une place centrale dans cette demande d’autorisation.
Comme tout centre d’archives, l’ECPAD met à jour ses protocoles de conservation à mesure que la législation évolue. Dans les années 2018-2019, l’établissement installe un bassin de rétention d’eau destinés à empêcher, en cas d’incendie, l’eau souillée par la dégradation du nitrate de polluer l’environnement.
Situés dans des casemates, les caissons réfrigérés où sont conservées les bobines de nitrate ont été récemment rénovés. Avec une température ambiante de 4 °C et un taux d’hydrométrie de 30 %, ces caissons offrent des conditions idéales pour la conservation des nitrates. L’humidité est contrôlée en permanence ainsi que la composition de l’air, ce qui permet de constater l’éventuelle production de gaz par la dégradation du nitrate.
Selon leur état, les bobines sont réparties sur des étagères différenciées. Afin de limiter les variations de température lors de manipulations, les bobines passent par un sas de remise à température lors de leur entrée et/ou de leur sortie.
Considérées comme perdues, les bobines en état de décomposition avancée sont quant à elles stockées à part, avant d’être prises en charge par un prestataire qui procèdera à leur destruction.
Une durée de vie limitée malgré les efforts fournis
La durée de vie moyenne d’un film nitrate est estimé à 70 ans mais celle-ci varie en fonction de la composition de la matière première utilisée, des conditions de développement et in fine de conservation. Malgré toutes les précautions prises, les films nitrate sont voués à se dégrader. Les mesures de conservation ne peuvent que ralentir ce processus inéluctable.
Plusieurs indices visuels permettent de détecter la dégradation d’une bobine, comme l’apparition de moisissures ou d’une matière mielleuse à la surface. La détérioration des boîtes en polyéthylène qui protègent les supports voire la détérioration du mobilier de stockage permettent également de repérer les bobines en cours de dégradation. Heureusement, ce type de phénomène arrive très rarement grâce aux mesures de conservation mises en place.
Afin de sauvegarder ces films à la durée de vie limitée, ils sont dupliqués sur des supports plus pérennes, comme le polyester, et numérisés en haute qualité. Le plan de sauvegarde et de numérisation mené de 2019 à 2023 a permis ainsi de sauvegarder des centaines de kilomètres de bobines nitrate qui, quoiqu’il arrive aux bobines d’origine, resteront consultables.