Le 25 septembre 2024, l’ECPAD a acquis auprès de la maison de vente Yann Le Mouel deux albums de photographies sur la campagne de Chine (1900-1901) complétant ses fonds d’origine privée sur l’occupation du territoire après la répression de la révolte des Boxers.

Les deux albums modernes récemment entrés dans les fonds comportent en tout deux-cent-quarante-six tirages papier présentant en grande partie la vie quotidienne du corps expéditionnaire français durant la campagne de Chine entre 1900 et 1901. Les tirages sont probablement extraits d’un ou de plusieurs albums plus anciens, composés pour un officier du service des étapes de l’Etat-major, commandé par le chef de bataillon Joseph Mordrelle.

Nous retrouvons principalement dans ces albums une illustration de la seconde phase du conflit après la prise de Pékin (16 août 1900) : commandé par le général Voyron, le contingent français débarque en septembre 1900 pour contrôler, au sein d’une force internationale, la province du Petchili, autour de Pékin, Takou et Tien-Tsin. L’objectif est de permettre le retour de l’ordre afin que le travail des missionnaires et des fonctionnaires européens, durement affecté durant la révolte anti-occidentale, puisse reprendre avec le concours du gouvernement impérial, qui a appuyé les Boxers avant de faire volte-face.

Palais impériaux, concessions étrangères ou scènes de la vie locale, l’environnement de cette occupation est très bien représenté. On notera également une photographie sur laquelle apparaîtrait Pierre Loti qui a participé à l’expédition comme officier de marine. Dans Les Derniers jours de Pékin, il s’enthousiasme pour un « monde de temples et de palais dans la verdure ». Ébloui par la ville impériale, l’écrivain explorateur confie : « les voyageurs qui croyaient visiter la Chine et pour qui tout cela restait muré, interdit, vraiment ne pouvaient rien imaginer du Pékin merveilleux que la guerre vient de nous ouvrir ». A travers le reporter militaire, c’est un regard sur le « mystère de la Chine » auquel s’applique cette production photographique.

Les albums nous renseignent également sur la création des troupes coloniales (juillet 1900) réunissant l’infanterie de marine et l’artillerie de marine pour faciliter la projection de force en Asie. Ces photographies permettent ainsi de documenter les premiers pas d’une formation militaire essentielle dans l’histoire de la France outre-mer. Savant dosage de marsouins, de bigors mais également de soldats de l’armée d’Afrique, les unités composant les troupes françaises, ainsi que les différents contingents étrangers, en particulier européens, japonais et russe, sont représentés opérant dans les zones d’occupation pour maintenir l’ordre et reconstruire les légations. Le photographe s’arrête sur les cavaliers sikhs, les lanciers du Bengale, les sentinelles allemandes et japonaises, et va jusqu’à saisir un incident avec les troupes russes, probablement celui de l’occupation de Chan-Hai-Kouan par le bataillon du 1^er zouaves (octobre 1900). En somme, cette acquisition met en lumière la première opération militaire internationale du XX^e siècle.

Enfin, l’auteur de ces albums a inséré des vues plus anciennes datant probablement des années 1880-1890 représentant majoritairement des scènes de la vie quotidienne militaire et civile dans les légations européennes en Chine, constituant un témoignage précieux sur le phénomène concessionnaire précédant la chute de la dynastie Qing. L’ensemble vient compléter les fonds de l’ECPAD sur la campagne de Chine, constitué d’un album sur l’activité du génie durant cette expédition (cote D159), et fait le lien entre les albums du capitaine d’Amade, attaché militaire à Tien-Tsin auprès de la légation française de Chine entre 1887 et 1891 (cote D137) et les archives de Louis Vaillant, médecin des troupes coloniales (cote D147) à l’œuvre en Indochine mais voyageant en Chine quelques années après l’expédition internationale.

Auteur : Chérif Slimani, archiviste chargé des fonds entrés par voie extraordinaire.