Histoire de l’établissement
Les origines de l’ECPAD remontent à la Première Guerre mondiale. En octobre 1914, la stabilisation du front marque un tournant dans le conflit. Au-delà des adaptations tactiques, un nouvel enjeu s’impose : la communication. Face à la propagande ennemie, la France prend conscience du rôle essentiel de l’image pour appuyer son discours.
C’est dans ce contexte que la Section cinématographique de l’armée (SCA) est créée en février 1915, suivie, deux mois plus tard, par la Section photographique de l’armée (SPA). Pour répondre à ses besoins, l’armée s’appuie sur les grandes industries cinématographiques avec lesquelles elle passe des conventions. Pathé, Gaumont, Éclair et Éclipse mettent à disposition leurs opérateurs qualifiés et leur savoir-faire en matière de prise de vue et de post-production. De nombreuses autres maisons apportent également leurs équipements et laboratoires. Le 1er février 1917, alors que l’armée dispose désormais de son propre matériel, elle met fin aux accords avec l’industrie et fusionne les deux sections pour donner naissance à la Section photographique et cinématographique de l’armée (SPCA). Dès lors, photographies et films sont produits, conservés et valorisés.
Pour le ministère des Affaires étrangères, les opérateurs et photographes réalisent des images destinées aux pays neutres afin de les rallier à la cause des Alliés. De son côté, le sous-secrétariat d’État aux Beaux-Arts s’attache à documenter les destructions causées par l’avancée allemande, attestant des ravages du conflit et établissant la responsabilité de l’ennemi.
Enfin, dans une nation entièrement mobilisée pour la guerre, les images produites par la SPCA contribuent à préserver la mémoire d’un événement tragique dont l’ampleur et la portée historique furent immédiatement perçues par l’ensemble des Français.
Le 19 août 1918, la SPCA est réorganisée et devient le Service photographique et cinématographique de guerre (SPCG). Placée sous l’autorité directe du cabinet militaire de Georges Clemenceau, alors président du Conseil et ministre de la Guerre, elle se structure en deux pôles distincts : une section administrative et technique, rattachée au sous-secrétariat d’État aux Beaux-Arts, chargée de la gestion des laboratoires, des archives et des services de vente et une section opérationnelle, sous l’autorité militaire, qui encadre les opérateurs et supervise le ciné-cantonnement. À une époque où la projection de films exige une attention technique minutieuse, les projectionnistes parcourent la zone des armées pour offrir aux soldats des instants de répit, apportant une parenthèse récréative au cœur du conflit.
Moins d’un an après l’armistice, l’ensemble des archives produites par le service est transféré au sous-secrétariat d’État aux Beaux-Arts, rue de Valois, et la SPCG est officiellement dissoute le 10 septembre 1919. Toutefois, cette unité, conçue pour la guerre, ne disparaît pas avec le retour de la paix. Consciente du potentiel stratégique et pédagogique du cinéma, la hiérarchie militaire décide de pérenniser cette expertise. Ainsi, le 17 juin 1920, une Section cinématographique de l’armée (SCA) voit le jour. Placée sous l’autorité du Service géographique de l’armée, elle se voit confier une mission essentielle : contribuer au perfectionnement de l’enseignement.
En 1939, lorsque la France entre en guerre contre l’Allemagne, les effectifs de la Section cinématographique sont renforcés pour contrer la propagande nazie des Propaganda Kompanien, unités d’opérateurs intégrées à la Wehrmacht et placées sous l’autorité du ministère de la Propagande dirigé par Joseph Goebbels. Durant les premiers mois du conflit, de la Norvège aux Ardennes, les opérateurs français sont présents sur tous les fronts. Les journaux de guerre produits par la section sont projetés dans les salles de la ligne Maginot, témoignant du rôle crucial de l’image dans l’effort de guerre.
En juin 1940, l’armistice signé entre la France et l’Allemagne entraîne la démobilisation de l’armée. Le directeur de la section, Pierre Calvet, est mis en congé d’armistice. Mais dès octobre 1940 et jusqu’en mars 1944, le régime de Vichy reforme une Section cinématographique de l’armée qui fournit des images à la propagande officielle. Basés entre Marseille et Paris, puis, à partir de 1943, à La Bourboule, les opérateurs sont placés sous le contrôle du régime. Pourtant, plusieurs d’entre eux rejoindront la 2e division blindée du général Leclerc, marchant vers l’Allemagne aux côtés des Forces françaises libres. Au moment où le pays et les Français sont divisés, les combats continuent en Afrique du Nord, à Londres et au Levant. Sur ces théâtres d’opération les troupes de la France Libre comprennent elles aussi l’enjeu stratégique de l’image. À la fin de 1942, une Section cinématographique de l’armée est formée et placée sous l’autorité du général de Gaulle. Ses opérateurs et photographes couvrent les opérations des forces terrestres, aériennes et navales, contribuant à documenter la libération du territoire puis le rôle de la France dans la chute du IIIe Reich.
Après la victoire, l’autorité militaire intègre définitivement la nécessité de disposer d’un service cinématographique. La volonté du Gouvernement provisoire de centraliser les décisions militaires conduit à la création d’une structure interarmées. Ainsi, le 26 juillet 1946, est fondé le Service cinématographique des armées (SCA), installé au fort d’Ivry-sur-Seine. Le pluriel a son importance : au service « des armées » les opérateurs du SCA pourront opérer pour l’armée de Terre, la Marine, l’armée de l’Air ainsi qu’au sein des services supports. C’est au cours de la même période que les archives de la SPCA sont transférées au fort d’Ivry. Les archives audiovisuelles de la Première Guerre mondiale avaient connu des déplacements au cours de la Seconde. Désormais, le site devient le centre majeur de conservation du patrimoine audiovisuel militaire.
En Indochine et en Algérie, où le SCA bénéficie d’implantations dont les circonstances opérationnelles peuvent conduire à une certaine autonomie, ses opérateurs documentent les guerres de décolonisation, capturant des images essentielles pour la mémoire des conflits et la communication opérationnelle. En Allemagne, jusqu’à l’entrée en vigueur des accords de Paris en 1954, le SCA est aux côtés des Forces françaises en Allemagne.
À partir de 1958, la restructuration de l’information au sein du ministère des Armées entraîne une réforme du SCA. Le 7 juin 1961, le Service d’information et d’études du ministre des Armées devient le Service d’information, d’études et de cinématographie des armées (SIECA), tandis que le SCA se transforme en Établissement cinématographique des armées (ECA). Avec la création des Services d’information et de relations publiques des armées (SIRPA) en 1969, l’Établissement cinématographique et photographique des armées (ECPA) voit ses missions redéfinies. Désormais, il ne s’agit plus seulement de produire des films d’instruction et d’information, mais aussi des films institutionnels destinés à documenter la vie des forces armées françaises en temps de paix. Dans les années 1970, la participation aux opérations extérieures et l’engagement de la France sous mandat de l’ONU imposent de documenter des interventions majeures comme Kolwezi, le Liban ou le Tchad. L’ECPA devient alors responsable de la production de films pour les armées, de la réalisation de reportages pour le ministère, ainsi que de la reproduction et de la diffusion de contenus destinés aux troupes. Il assure également la conservation des bobines de films et des photographies, perpétuant ainsi la mémoire visuelle des opérations militaires françaises.
Finalement, le 18 avril 2001, l’ECPA devient l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD) et prend sa structure actuelle d’établissement public à caractère administratif. En 2013, l’ouverture de l’École des métiers de l’image en fait également un pôle de formation aux métiers de la communication audiovisuelle. Devenu service d’archives définitives en 2022, l’ECPAD assure les missions d’un service public d’archives telles que définies par le code du patrimoine pour les fonds d’archives audiovisuelles, photographiques et multimédias produits par les services, organismes ou établissements relevant du ministère des Armées, ou reçus par lui à titre de dons, dations en paiement, legs, achats ou dépôts. Enfin le pôle du développement culturel fait rayonner les images et les récits de l’ECPAD en produisant des conférences, des expositions ou des publications. Une politique appuyée de soutien au documentaire, des co-productions avec divers partenaires et des collaborations étroites avec de nombreux diffuseurs permettent à l’établissement de valoriser ses fonds auprès d’un large public.
En plus de cette mission au service de la mémoire, les soldats de l’image continuent à être déployés partout où les forces armées sont déployées. Aujourd’hui comme hier, leurs images contribuent à faire connaître l’action de l’armée française, à lutter contre la désinformation et à renforcer le lien entre l’armée et la nation.