Trois questions à… Philippe Fréling, auteur, réalisateur et producteur
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coproduction
Publié le 13 avril 2021
Le réalisateur du passionnant documentaire Indochine, une guerre japonaise, coproduit en 2020 par l’ECPAD et Kami productions, nous parle de son rapport aux archives et à leur utilisation dans son travail.
1 / Pouvez-vous nous raconter la genèse du projet Indochine une guerre japonaise ?
Je suis fils de militaire. Mon père a fait la guerre d’Algérie, mais a regretté, toute sa vie, de n’avoir pu faire la guerre d’Indochine, du fait de son âge.
Peut-être ai-je développé à partir de là un imaginaire indochinois, imaginaire que certaines lectures, à l’adolescence (Ségalen, Loti, Duras), sont venues renforcer, développer.
Adulte, j’ai beaucoup voyagé en Asie, effectuant notamment de nombreux séjours au Vietnam et au Japon. Le Japon qui, depuis une vingtaine d’années, est devenu mon pays d’adoption.
M’intéressant à l’histoire, il était fatal que je m’arrête sur cette période durant laquelle « mes trois pays » ont été si tragiquement liés et que, celle-ci étant largement méconnue du grand public, je décide d’en faire un documentaire.
2 / Expliquez-nous quel rôle tiennent les archives dans vos films.
Lorsque je réalise un documentaire historique, les archives constituent le matériau de base de mon travail. C’est là que le projet même du film naît.
Ainsi, pour Indochine une guerre japonaise, lorsque j’ai vu que les trois pays concernés disposaient de fonds potentiellement intéressants, accessibles et exploitables, alors je me suis lancé. J’ai plongé. Avec les archives, le travail, c’est d’abord celui-là : s’immerger dans ce qu’elles montrent, font entendre, dans ce qu’elles racontent.
Dans ce bain, où il s’agit de veiller toujours à ne pas se noyer, avec ces documents qui peuvent être purement visuels (photographies, archives filmiques muettes) ou audiovisuels, j’écris mon récit.
Dans mes films historiques, les archives ont donc le premier rôle.
Le propos du film, ce sont elles qui le déroulent, articulées, le cas échéant, avec des interventions de témoins, d’historiens, avec un commentaire. L’émotion du film, ce sont elles qui la transmettent.
3 / Quel regard portez-vous sur les fonds de l’ECPAD ? Une archive vous a-t-elle particulièrement marqué ?
Il y a bien sûr le soldat Cron. J’avais trouvé à l’Institut national de l’audiovisuel (INA), à l’intérieur d’un documentaire, une interview réalisée dans les années 1960. L’homme qui s’exprimait, viticulteur dans le sud-ouest de la France, racontait comment, lorsqu’il était soldat en Indochine, il avait échappé à la décapitation lors du coup de force japonais du 9 mars 1945… Et voilà que, durant mes recherches à l’ECPAD, je trouve une séquence muette, tournée en septembre ou octobre 1945 à Ceylan, dans un centre de repos pour les soldats français qui, en Indochine, avaient été prisonniers des Japonais… Une séquence où je le découvre, lui, le soldat Cron !
Entouré de quelques camarades, il raconte, gestes à l’appui, comment le soldat japonais a abattu son sabre sur sa nuque, comment, à cet instant tragique, il a glissé et roulé dans la fosse, comment de ce fait, le sabre japonais n’a fait qu’entamer sa nuque… Le soldat Cron qui, avec le regard incrédule du miraculé, montre sa cicatrice.
Des fonds de l’ECPAD, je sais qu’ils me réserveront toujours de telles surprises.
Lorsque j’ai le bonheur de passer une journée à en explorer l’une ou l’autre région, concentré sur le travail qui m’occupe alors, j’ai toujours le sentiment que d’autres films se tiennent là, auxquels personne n’a jamais pensé et qui ne demandent qu’à être réalisés.
Les fonds de l’ECPAD, c’est un peu pour moi comme la noix de Charles Trénet… Qu’y a-t-il à l’intérieur ? Qu’est-ce qu’on y voit ?… On y voit toute une armée, des soldats bardés de fer qui, joyeux, partent pour la guerre… Et beaucoup, beaucoup d’autres choses encore…
Découvrez la coproduction : Indochine, une guerre japonaise