Trois questions à Jean Barat, réalisateur de Pétain et les francs-maçons.
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coproduction
Publié le 8 septembre 2022
Le film Pétain et les francs-maçons, réalisé par Jean Barat et coproduit par Histoire TV, Movie Da Productions et l’ECPAD, sera diffusé pour la première fois sur Histoire TV le 27 septembre à 22 h 10. Le réalisateur revient sur la production de ce film documentaire et sa collaboration avec l’établissement.
1 – Qu’est-ce qui vous a amené à réaliser un documentaire sur la relation entre Pétain et les francs-maçons ? Pouvez-vous nous parler de la genèse de votre projet ?
Tout a commencé pour moi quand j’ai découvert le film de propagande antimaçonnique Forces occultes, sorti en 1943 et réalisé par un dénommé Jean Mamy. Ce dernier, qui était encore le vénérable d’une loge maçonnique parisienne en 1940, s’était reconverti après la défaite en activiste de la cause antimaçonnique, puis en agent de la Gestapo. Lors de recherches menées aux Archives nationales, j’ai trouvé un document intitulé « Confession de Jean Mamy ». Il s’agissait de la retranscription de l’interrogatoire de cet homme, arrêté à l’automne 1944 par un groupe de FFI. Ce document était édifiant sur le basculement idéologique de Jean Mamy, cinéaste devenu un agent zélé du service de sécurité de la SS, le SD (Sicherheitsdienst). En creusant le sujet de la thèse du complot judéo-maçonnique, j’ai été amené à contacter l’historien Laurent Joly, spécialiste du régime de Vichy, de ses institutions et de la Shoah en France. Laurent Joly m’a expliqué avoir croisé, dans ses travaux de recherche sur les collabos notoires, ce Jean Mamy et toute une galerie de personnages qui avaient été les acteurs de l’antimaçonnisme d’État voulu et impulsé par le maréchal Pétain. J’ai demandé par la suite au conservateur du musée de la Franc-maçonnerie du Grand Orient à Paris si nous pouvions avoir accès à ses archives. Il m’informa être en possession, entre autres, d’un fonds encore inexploité provenant d’un service de police antimaçonnique de la Préfecture de police de Paris, le SSAD (Service spécial des associations dissoutes), qui fut actif de 1941 à 1944. Tout cela nous suffisait, à Laurent Joly et moi-même, pour nous lancer dans l’aventure. Ce que nous ne savions pas, c’est que nous allions extraire plus de 11 000 documents des divers fonds d’archives consultés et qu’il ne nous faudrait pas moins de deux ans pour reconstituer le puzzle de cette répression instituée par le régime de Vichy et découvrir comment les francs-maçons étaient entrés en résistance.
2 – Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure les archives de l’ECPAD ont contribué à la réalisation de ce documentaire ?
Je cherchais, comme tout autre réalisateur quand il s’agit d’illustrer son documentaire, des images si ce n’est inédites, tout du moins peu vues dans d’autres films. Au départ, je ne savais pas quels axes prendre, sachant pertinemment qu’il me serait difficile de trouver des images d’archives. J’avais tourné des séquences et eu accès au film Forces occultes. Il me fallait compléter l’ensemble avec du mouvement, de l’action, apporter une dynamique forte. Des images de la Seconde Guerre mondiale s’imposaient. L’ECPAD m’en proposait. C’est à la médiathèque du fort d’Ivry que j’ai pu visionner, durant diverses séances, pas moins de 1 800 documents sur la période qui m’intéressait. Grâce à l’accueil et aux conseils des documentalistes, j’ai orienté mes choix vers deux fonds en particulier, ceux des archives allemandes et américaines, complétés par des images d’amateurs sur la libération de Paris. Ces archives m’ont permis de contextualiser mon sujet, en confrontant la vision allemande avec celle des Alliés, tout en ponctuant chronologiquement avec les événements importants qui ont marqué le conflit. Outre les archives, ce qui a particulièrement contribué à la réussite du mon film, c’est le fonctionnement de l’ECPAD, le suivi du projet, qui répondent aussi bien aux attentes d’un réalisateur qu’aux nécessités d’une production. Ça a tellement bien marché que mon film Pétain et les francs-maçons bénéficie d’une coproduction avec l’ECPAD, et j’en suis ravi.
3 – Comment abordez-vous l’écriture d’un tel documentaire historique ?
Le scénario s’est construit principalement d’après les archives papier que nous avons réunies, et plus particulièrement sur les verbatim des protagonistes. Il s’agissait de retrouver des témoignages directs, retranscrits dans des procès-verbaux, des interrogatoires, des comptes rendus, des lettres, mais aussi le journal d’un collabo. Ces éléments ont été ensuite accompagnés des commentaires qui allaient contextualiser le propos. Laurent Joly, l’historien, et moi, le réalisateur, avons rédigé un premier scénario de plus d’une centaine de pages… qu’il a fallu bien évidemment réduire. Nous avons dû sortir la serpe, et quelquefois la hache, pour tailler et ne retenir au final qu’une structure qui tient dans 52 minutes, soit une petite trentaine de pages. Le texte a encore été revu dans son ensemble quand nous avons inclus les images d’archives qui avaient été retenues. C’est la partie la plus délicate : trouver l’équilibre, le rythme, le souffle du film. La réalisation d’un film documentaire d’histoire s’apparente à de l’orchestration, et son scénario à une partition qui se joue au montage, lorsque tous les éléments sont réunis.