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    Trois questions à… Éléonore Alquier, Directrice adjointe – responsable du département Data – Direction Data & Technologies à l’Institut national de l’audiovisuel (INA)

    Publié le 9 mars 2022

    En 2021, un audit a été réalisé par l’INA sur la chaîne de traitement archivistique de l’ECPAD. Éléonore Alquier faisait partie de l’équipe d’experts mandatée pour ce projet.

    1 / Suite à un renouvellement de Sa gouvernance pour conforter sa transformation en média, en 2021, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) a repensé sa gestion des collections. Elle est partagée entre, d’une part, une Direction des patrimoines et, d’autre part, une Direction data et technologies, dont vous êtes la directrice adjointe. Pouvez-vous nous donner une définition de la data et nous expliquer le choix de l’INA de mettre ces données au cœur de son système ?

    Dans le contexte initial des collections audiovisuelles dont l’INA a la gestion, la data, c’est initialement la métadonnée, soit littéralement toute information accompagnant ces collections, pour en faciliter la connaissance, l’accès et l’exploitation. Décrivant aussi bien les œuvres audiovisuelles que leurs supports matériels et les droits associés, la métadonnée est d’abord passée d’un état physique (la fiche carton des bibliothèques ou le registre des services d’archives) à un état numérique. Ainsi, elle est aujourd’hui stockée dans des bases de données et rendue accessible via des moteurs de recherche.

    Le passage de la métadonnée à la donnée est ensuite le résultat d’un changement de granularité, qui découle lui-même de la transformation numérique : l’INA gère aujourd’hui à la fois des ressources numérisées et des collections nativement numériques. Ainsi, contrairement au support physique initial des documents, leur gestion dématérialisée permet d’appréhender le contenu proprement dit des œuvres : plus facilement que jamais, on peut aujourd’hui accéder à une ressource et savoir ce qu’elle contient ! Les enjeux de manipulation, de conservation et de valorisation des fonds s’en trouvent radicalement modifiés : de nouveaux types de données sont ainsi créés, par le recours à l’intelligence artificielle en particulier, qui ouvre la voie à de nouveaux modes d’accès et de recherche dans les contenus. Les modes de diffusion changent également, puisque le web permet de créer et d’exploiter des données d’usage (désignant les traces laissées par les usagers lors de leur navigation).

    Engagé depuis plus de cinq ans dans un travail de refonte de ses données, qui souffraient précédemment d’une dispersion entre plusieurs bases, l’INA est désormais doté d’un Département data qui porte la gouvernance de la donnée de l’entreprise. Il est garant de la cohérence de la politique de données de l’INA, dans la mesure où il cartographie les données de l’entreprise et conçoit les outils facilitant leur accès, leur production et leur exploitation, depuis les référentiels qui structurent l’information jusqu’aux moteurs de recherche qui alimentent les applications métier.

    Très concrètement, ce département rapproche, d’un côté, les ingénieurs qui maîtrisent les technologies de traitement, de stockage ou d’exploitation des données et mettent en place des outils pour cela (ingénieur de la donnée, data scientist, architecte de la donnée, spécialiste de la visualisation des données…) et, de l’autre, les professionnels de l’information, prescripteurs et utilisateurs des données et outils associés. Il est donc à même de déployer une gouvernance des données qui dépasse le domaine de la gestion des collections pour embrasser toutes les données de l’organisation : données de signalement (qu’elles soient créées de manière traditionnelle, importées de l’extérieur ou générées automatiquement par des outils à base d’intelligence artificielle), données d’usage des collections, mais aussi les données issues de la vie de l’organisation (données financières, données juridiques, données RH), toutes ces données étant liées par des enjeux de traçabilité des usages et de la gestion des collections, notamment. Forcément transverse dans ses responsabilités, ce département, au service de l’ensemble des directions de l’INA, porte l’expertise de modélisation et de mise à disposition des données, à la fois pour faciliter la réalisation des missions de l’Institut par les salariés, et pour ouvrir de nouvelles perspectives d’accès aux collections pour l’ensemble de nos usagers.

    2 / Vous avez fait partie de l’équipe d’experts de l’INA qui a procédé l’année dernière à l’audit sur la chaîne de traitement archivistique de l’ECPAD. Quelle partie de cette chaine avez-vous le plus expertisée ?

    Sous la conduite et la coordination de Benjamin Lerena, chef de projet au sein du service en charge des expertises à l’INA, et aux côtés d’experts techniques et documentaires de l’Institut, je suis intervenue au cours de l’audit réalisé en plusieurs étapes auprès de l’ECPAD. Il avait pour objet de formuler des préconisations d’optimisation de la chaîne archivistique dans le cadre de la sauvegarde et la numérisation des fonds physiques tous supports de l’ECPAD, en particulier dans la perspective d’un plan de sauvegarde et de numérisation pluriannuel.

    À la fois du fait de mes précédentes expériences (aux Archives nationales et à la mission des Archives de France auprès des ministères sociaux) et en tant que directrice adjointe data & technologies de l’INA, j’ai été particulièrement sollicitée sur les enjeux de collecte, de versement, de récolement, d’inventaire et de catalogage des fonds, ainsi que sur les enjeux de sélection à des fins de traitements priorisés. Il a d’abord fallu prendre connaissance de la situation, à la fois par la lecture de la très riche documentation transmise par l’ECPAD, et par des entretiens avec les managers et agents du Pôle des archives, et des visites dans les services concernés. Cette étape de collecte d’informations nous a permis de mieux cerner la situation, afin de pouvoir formuler des préconisations d’organisation, tantôt en continuité avec les process déjà existants, tantôt via l’introduction de nouvelles pratiques.

    Un autre enjeu de cet audit était de proposer une vue cohérente de l’ensemble de la chaîne de traitement archivistique en vigueur à l’ECPAD. J’ai donc participé aux relectures des livrables de cette intervention, en particulier dans les phases d’itérations avec notre principale interlocutrice de l’ECPAD, Laura Cohen ; et je suis intervenue, aux côtés de Benjamin Lerena, lors des comités de pilotage qui ont jalonné le projet et qui visaient à valider les grandes orientations stratégiques de nos préconisations.

    3 / Suite à cet audit, quels sont, d’après-vous, les grands enjeux de l’ECPAD à court, moyen et long terme ?    

    Les efforts engagés depuis des années par l’ECPAD sur le plan de la conservation, notamment au travers de plusieurs plans de sauvegarde et de numérisation, sont dès à présent couronnés de succès. La validation officielle du Dossier de demande d’autorisation d’exploiter (DDAE) de l’établissement pour la conservation des films en nitrate de cellulose et la reconnaissance de l’ECPAD comme centre des archives audiovisuelles définitives du ministère des Armées en attestent.

    À court terme, le projet « Caissons », destiné à l’amélioration des conditions de conservation des fonds, est pour sa part en phase d’achèvement. Surtout, à l’horizon 2024, le Plan de sauvegarde et de numérisation accéléré (PSNA), préparé en 2018 et débuté en 2019, aura permis d’assurer la sauvegarde de l’ensemble des films en nitrate sur du film polyester de sécurité.

    À moyen terme, le Contrat d’objectifs et de performance (COP) 2021-2025 signé en octobre 2021 par la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées prolonge ces ambitions de l’ECPAD dans la durée. L’enjeu est désormais de renforcer les efforts de sauvegarde et de numérisation engagés par l’ECPAD en résorbant massivement l’arriéré de traitement des fonds et en prenant à bras le corps la masse des volumes conservés, selon les scénarios proposés dans le cadre de notre intervention.

    Enfin, sur le long terme, si la production d’images sur supports physiques s’est logiquement tarie, et si les principaux gisements d’archives physiques des grands services producteurs (en particulier les services d’information et de relations publiques des armées) ont été collectés, ces gisements restent encore largement inconnus dans les autres services, et en parallèle, les versements numériques croissent, eux, de façon exponentielle. Pour faire face au plus tôt à ces enjeux durables de collecte, il s’agit pour l’établissement de poser dès maintenant les bases d’une politique de collecte voire de records management audiovisuel maîtrisée, tant analogique que numérique.

    La capacité de l’ECPAD à traiter ces enjeux le confortera dans son expertise de conservation et de valorisation audiovisuelle, sur des contenus essentiels à la connaissance et à la promotion des activités du ministère des Armées, pour aujourd‘hui et pour demain.


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