Journal de bord d’un opérateur de l’ECPAD pendant le confinement
Publié le 28 mai 2020
Hélène, preneuse de son à l’ECPAD, évoque son quotidien sur le terrain, alors qu’une majeure partie de la France est à l’arrêt.
Mercredi 18 mars
Début du confinement, interdiction de venir au bureau depuis le lundi 16 mars… pour combien de temps ? Nul ne le sait.
Deux jours plus tard pourtant, un tournage s’organise. Nous devons suivre une livraison de masques par l’armée aux autorités civiles.
Munie de mon attestation, je me présente au fort et retrouve mes collègues. Nous sommes un peu déboussolés : les bureaux sont vides, il faut s’adapter aux mesures d’hygiène… Mais très vite les automatismes reprennent le dessus.
Ce n’est pas facile de respecter la distanciation et le lavage des mains. Nous sommes concentrés sur le tournage et notre QG est une voiture. Mon poste de preneuse de son me permet d’avoir un peu plus de recul sur la situation, alors je rabâche les consignes au reste de l’équipe… Le tournage évolue au cours de la journée, nous tâchons de nous organiser et de suivre la livraison malgré les maigres informations. Le photographe traite ses clichés pendant le trajet, avec les moyens du bord, et la caméra est toujours à portée de mains tandis que je conduis afin que le cadreur puisse faire des plans en roulant. La journée est chargée : partis d’Orléans, nous allons nous retrouver à Vitry-le-François, puis dans un EHPAD en région parisienne… et pour finir, chacun retourne se confiner. Certains au fort, les autres chez eux.
Mercredi 29 avril
Je suis chez moi depuis trois semaines… Au fur et à mesure, un planning de roulement d’équipes a été mis en place, un groupe Whatsapp nous permet de garder le lien. Chacun a pris ses marques. J’attends mon tour. Je m’occupe… quand enfin le téléphone sonne : un tournage à l’Institut de Recherche Biomédicale des Armées (IRBA) est programmé dans la semaine.
Attestation en poche, je passe au fort préparer le matériel. Quelle joie de revoir les collègues ! On prend des nouvelles comme après des vacances, on règle scrupuleusement la caméra, un peu anxieux d’avoir perdu l’habitude.
Tôt le lendemain, l’autoroute A6 est déserte. Dans ce laboratoire flambant neuf, les règles d’hygiène sont drastiques. S’équiper de sur-chaussures avec une mixette harnachée sur soi n’est pas chose évidente, mais il faut aller vite pour ne pas rater l’arrivée du chef d’état-major des armées (CEMA). Le masque me cache les yeux dès que je me penche, ma perche me semble lourde… Mais on fait du mieux que l’on peut. Nous devons faire le maximum pour montrer ce qui se joue ici.
Le reportage sera réussi et c’est ce qui compte. Nous rentrons au fort : je dérushe mes fichiers, charge mes batteries, reconditionne mon matériel. Je ne suis pas si pressée de partir, car qui sait combien de temps il faudra attendre avant le prochain tournage ?
Jeudi 7 mai
Aujourd’hui nous filmons le cortège funèbre des deux légionnaires morts en opération au Mali. Malgré cet événement dramatique je suis heureuse de croiser quelques collègues et de retrouver le fort.
Afin de respecter les mesures sanitaires, nous nous répartissons entre deux véhicules. Les masques et la solution hydroalcoolique font désormais partie de notre routine.
La cour des Invalides est totalement vide, occasion rare et sublime, alors je profite de l’instant entre deux caisses à monter.
Je pars ensuite installer mes micros à proximité du pont Alexandre III, qui sera emprunté par le cortège. J’ai optimisé le matériel pour avoir moins d’actions sur place. Il me faut pourtant dérouler seule plusieurs centaines de mètres de câbles. La chaleur est écrasante et je n’ai plus l’habitude du soleil. Mais c’est avant tout important d’être là pour nos frères d’armes morts pour la France. Tout le monde se met en place. Nous n’aurons pas la possibilité de répéter. On se coordonne, on teste : tout est prêt. Je tente d’écouter l’allocution du Premier ministre en attendant le top. Enfin le moteur est demandé. Le cortège arrive et je diffuse le son des micros que j’ai installé le long de son passage. C’est très rapide, et le résultat est loin d’être parfait, mais j’ai fait au mieux. Il faut maintenant tout ranger, rapidement, seule. Puis démonter le matériel disposé aux Invalides, et rentrer ranger le matériel au fort. En attendant la prochaine mission.