Construit entre 1841 et 1846, sous le règne de Louis-Philippe, dans le cadre du plan de fortifications d’Adolphe Thiers, le fort d’Ivry était un élément de la ceinture défensive de Paris.
Longue de 34 kilomètres intra-muros, elle comportera 94 bastions et 17 portes, une voie ferrée de ceinture pour l’approvisionner en munitions, et une ligne de 16 ouvrages extérieurs casematés appelés « forts ». Le fort d’Ivry est bâti à l’extrémité du plateau entre les vallées de la Bièvre et de la Seine, entre les villages d’Ivry et de Vitry. Il a la forme d’un pentagone à 5 bastions. Le chantier débute au printemps 1841, employant 980 personnes pendant quatre ans.
Le fort d’Ivry a été construit sur des galeries souterraines qui permettaient d’extraire la « pierre de Vitry ».
En 1846, le fort d’Ivry reçoit sa première garnison. En 1848, après les journées insurrectionnelles qui conduisent à l’avènement de la Seconde République, il se transforme en prison et 1 504 insurgés y sont incarcérés dans des conditions très dures. Dans son journal, publié en 1849, un prisonnier témoigne de son arrivée :
« Je m’étais imaginé en entrant au fort que nous serions logés dans les bâtiments servant au casernement des troupes, et à leur défaut dans les casemates. Je ne tardai pas à être détrompé. Entrés peu à peu dans une casemate, nous trouvons des gardiens qui nous ont précédés ; ils coupent les cordes de nos poignets, et nous poussent dans un escalier. Nous descendons, sentant un froid humide et glacial nous frapper au visage à mesure que nous avançons. — Y-a-t-il de la place pour nous tous ? avait demandé un prisonnier qui se rappelait le supplice de l’Hôtel de ville. — Tout Paris y tiendrait, répondit le gardien. En effet, ces carrières sont immenses ; et je n’en ai vu que l’entrée, n’ayant jamais osé m’aventurer dans ce dédale, où, faute de connaître les marques inscrites au coin des rues, j’aurais pu me perdre, comme il est arrivé à de plus curieux. Quelques chandelles placées le long des murs éclairent l’entrée de ces vastes souterrains ; on ferme les grilles, et derrière, sont placées des sentinelles, prêtes à faire feu lorsqu’elles le jugeront à propos. »
Siège de combats en 1871, il conserve une grande partie de ses éléments d’origines, ainsi qu’un formidable réseau de carrières, où furent extraits une grande partie des matériaux utilisées à la construction de Paris aux XVIIIe et XIXe siècles.
Les parois des carrières du fort d’Ivry portent les marques du temps et de l’histoire : indications des itinéraires souterrains, graffitis laissés par les carriers. Les « Vive la République » écrits par les insurgés de 1848 et les ancres gravées par les marins en 1870 témoignent d’une occupation plus ou moins continue des galeries. Ces excavations souterraines ont imposé la réalisation de profondes fondations et de nombreuses consolidations pour supporter la masse des murs et des casemates du fort d’Ivry.
Divers régiments se succèdent au fort dans la première moitié du XXe siècle, notamment le 21e régiment d’infanterie coloniale. Pendant la Première Guerre mondiale, un poste de DCA (Défense contre avions) y est en activité. Après la guerre, le fort ne conserve plus qu’un rôle de caserne, notamment pour les 21e et 23e régiments d’infanterie coloniale.
En juin 1940, il est occupé par une garnison allemande. Il sert de dépôt de munitions et les carrières, d’abris antiaériens. Après la Libération, en septembre 1944, il est occupé par les FFI (Forces françaises de l’intérieur), puis par l’armée américaine et, à partir d’avril 1945, par le centre militaire de rapatriement.
Le lendemain de la Seconde Guerre mondiale offre au fort un nouveau départ : celui d’abriter, à partir de 1947, le Service cinématographique des armées (SCA), ancêtre de l’ECPAD (Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense).
Délaissées durant des décennies, utilisées comme poudrière, abri antiaérien voire comme décharge…, les carrières du fort d’Ivry sont à nouveau aujourd’hui l’objet de convoitise de la part de nombreux producteurs et/ou réalisateurs et servent régulièrement de décor pour des tournages. Voici une liste non exhaustive de quelques productions cinématographiques dont certaines scènes ont été tournées dans les carrières ou les casemates :
- Le Trou de Jacques Becker, en 1958
- Les Mystères de Paris, série de 6 X 52’ réalisée par André Miche en 1980
- Eryx, de Patrice Tessier, en 1986
- Le nombril du monde, de Ariel Zeitoun, en 1992
- Un épisode de la série Highlander réalisée par Daniel Vigne en 1993
- Un épisode de la série Sydney Fox, l’aventurière, produite par Gaumont TV en 2000
- L’ombre des femmes, de Philippe Garrel en 2014
- L’Empereur de Paris, de Jean-François Richet en 2017
- Mystères à la Sorbonne, de Léa Frazer en 2018.
En savoir plus sur ces lieux de tournage aux décors rares et inaccessibles au grand public : Location d’espace